Et si tu n'étais pas instable, mais vivant(e) ?
Ou comment cesser de douter de son humanité quand on ressent "trop fort"
« Ce que tu ressens n’est pas un bug. C’est un langage. »
Ce moment où tu te demandes si tu es "trop"
Tu connais sans doute ces moments. Ceux où ton cœur bat trop vite. Où tu pleures sans vraiment comprendre pourquoi. Où tu ressens une joie immense, suivie d’une fatigue écrasante. Où tu t’emballes, t’inquiètes, t’agites… ou te replies d’un coup.
Et puis, cette pensée glisse dans ta tête comme une flèche empoisonnée :
“Je suis instable. Il y a un problème avec moi.”
Peut-être qu’on te l’a dit.
Peut-être que tu l’as pensé.
Peut-être que tu l’as cru, à force de ressentir fort dans un monde qui valorise le contrôle.
Mais laisse-moi te proposer une autre lecture.
Et si tu n’étais pas instable… mais simplement vivant(e) ? Et si ces vagues émotionnelles n’étaient pas un bug à corriger, mais le signe d’un corps qui parle, d’un être qui ressent, d’une intelligence émotionnelle qui cherche à t’atteindre de l’intérieur ?
Cet article est une invitation.
Un espace de pause.
Un souffle.
Pour déposer un peu de cette honte d’être "trop", et peut-être t’autoriser à ressentir, autrement.
L’émotion n’est pas une erreur, c’est un message
Depuis l’enfance, on nous a souvent appris à nous méfier de ce que l’on ressent. À ravaler nos larmes, à contenir nos élans, à camoufler nos réactions. On nous a dit : "Calme-toi", "Ce n’est pas grave", "Fais un effort", "Sois raisonnable". Comme si ressentir fort était une faute. Une faiblesse. Un manque de maîtrise.
Et à force, on a intégré l’idée que nos émotions étaient suspectes. Inconfortables. Inadaptées. Inutiles, même.
Alors on a tenté de les dompter. De les ranger dans des tiroirs bien fermés. De les maquiller derrière des sourires, des silences, des "ça va" lancés trop vite.
Mais une émotion n’est pas un ennemi. C’est une réaction vivante à ce que tu traverses. Un mouvement intérieur qui naît d’un contact entre toi et le monde. Une manifestation de ton humanité, de ta sensibilité, de ton rapport au réel.
Une émotion, c’est un signal. Un message subtil que ton corps et ton esprit t’envoient pour te dire qu’un besoin est touché (comblé ou non).
Par exemple :
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La colère peut signaler qu’une de tes limites a été franchie.
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La tristesse, que tu vis une perte, un manque ou une rupture.
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La peur, que tu ressens une menace, même symbolique.
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La joie, que quelque chose en toi est nourri, reconnu, vivant.
Tu ressens parce que tu es vivant(e). Pas parce que tu es instable.
Le problème n’est pas l’émotion. Le problème, c’est ce qu’on a appris à croire à son sujet.
Ce que ton émotion vient dire, ce n’est pas "tu es dingue", "tu es faible", "tu es instable".
C’est bien plus tendre et essentiel :
"Quelque chose compte pour toi. Et ton corps te le montre."
Ce que ton système nerveux essaie de te dire
Tu t’es déjà senti(e) submergé(e) sans comprendre pourquoi ? Une remarque banale, un ton un peu sec, un imprévu… et ton corps s’emballe. Ton cœur accélère, ta gorge se serre, tes pensées s’agitent, ou au contraire tout semble se figer en toi.
Et puis, cette question en boucle :
“Pourquoi je réagis autant pour si peu ?”
En réalité, ce n’est pas "pour si peu". Ce que tu vis là, ce n’est pas une réaction exagérée. C’est une réaction adaptée à une perception : celle de ton système nerveux autonome. Ce système, chargé de ta survie, est comme une alarme interne. Il scanne en permanence ton environnement, tes sensations, tes interactions… Et il répond en quelques fractions de seconde à la moindre impression de danger.
Mais attention : danger ne veut pas forcément dire menace réelle. Ton système nerveux peut aussi réagir à une menace émotionnelle ou relationnelle : un regard dur, une sensation de rejet, un ton sec, un silence lourd… Bref, tout ce qui peut faire résonner une insécurité passée ou présente.
Selon la théorie polyvagale, ce système peut activer 3 grandes réponses :
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La lutte : tu te défends, tu t’énerves, tu veux rétablir la sécurité par la confrontation.
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La fuite : tu t’agites, tu veux fuir la situation, tu passes à autre chose.
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Le gel (ou sidération) : tu te figes, tu te coupes, tu ressens un vide ou un brouillard intérieur.
Et ce sont des réactions automatiques. Tu ne les choisis pas.
Mais tu peux apprendre à les reconnaître… puis à les accompagner.
Ce n’est pas que tu "réagis trop". C’est que ton corps a appris à rester en alerte. Et ça, souvent, c’est lié à ce que tu as vécu. Un mot, un geste, un regard peuvent raviver une vieille insécurité. Et ton corps, fidèle, répond. Pas pour t’ennuyer. Mais pour te protéger, comme il l’a toujours fait.
Et si, au lieu de juger cette réaction, tu pouvais lui dire :
“Merci, je vois que tu veux me préserver. On peut y aller moins fort maintenant.”
La norme émotionnelle, une cage invisible
Tu l’as sans doute remarqué : dans notre société, certaines émotions sont plus "acceptables" que d’autres.
La joie, oui, mais pas trop démonstrative.
La tristesse, si elle reste discrète.
La colère ? À éviter.
La peur ? À cacher.
Autrement dit : ressens, mais ne dérange pas.
Sois sensible, mais pas bouleversé(e).
Sois touché(e), mais reste fonctionnel(le).
Sois humain(e), mais contrôlé(e).
On nous a transmis un idéal : celui de la personne "stable", "mesurée", "rationnelle". Un être lisse, constant, productif. Et quand on ressent fort, quand on s’effondre, quand on ne comprend pas ce qui nous traverse, on se sent en décalage. Comme si quelque chose clochait.
Mais le problème ne vient pas de toi. Il vient de la norme émotionnelle qui nous entoure et qui est, souvent, totalement déconnectée du vivant.
Cette norme ne tient pas compte :
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de l’histoire de chacun(e),
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des traumatismes passés,
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de la sensibilité individuelle,
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des réalités relationnelles et sociales.
Elle impose une façade. Et à force de vouloir la respecter, on apprend à se couper de soi. À mettre un couvercle sur ce qui déborde. À douter de la légitimité de notre propre vécu intérieur.
Combien de fois as-tu pensé ou entendu :
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“Je dois me calmer.”
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“C’est pas si grave.”
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“Je suis ridicule de pleurer pour ça.”
-
“Je devrais être au-dessus de ça.”
Mais au fond, qui a décidé ce qui était grave ou non ?
Ce qui méritait des larmes ou non ?
Ce qu'il était "approprié" de ressentir ?
Il n’existe pas UNE bonne manière de ressentir. Il existe ta manière, et elle est valide, même si elle ne rentre pas dans les cases.
Être ému(e) par un détail, bouleversé(e) par un mot, mis(e) à terre par une ambiance… ce n’est pas de la faiblesse. C’est de la profondeur. Et cette profondeur, on te l’a peut-être fait porter comme un poids. Alors qu’elle est une richesse. Un lien direct avec ce qui est vivant, en toi et autour de toi.
Quand le "trop" est un "trop contenu"
"Tu es trop émotif(ve)."
"Tu réagis toujours trop fort."
"Tu prends tout trop à cœur."
Ces phrases, on te les a peut-être dites. Ou peut-être que tu te les répètes intérieurement, comme un refrain usé. Mais as-tu déjà envisagé que ce "trop", en réalité, n’est qu’un trop contenu ? Un trop vécu. Un trop tu.
Lorsque l’on vit des émotions fortes sans avoir de réel espace pour les déposer, elles s’accumulent. Elles s’impriment en nous comme des sédiments émotionnels. Et à force d’être repoussées, elles forment une pression intérieure. Une tension sourde, invisible, mais bien réelle.
Alors un jour, il suffit d’un mot, d’un regard, d’une petite contrariété…
Et tout explose.
Non pas parce qu’on est instable.
Mais parce que la digue a cédé.
Tu n’exploses pas parce que tu es instable. Tu exploses parce que tu as tout contenu, trop longtemps, trop seul(e), trop souvent.
Et cette explosion, aussi inconfortable ou mal perçue soit-elle, n’est pas un caprice. C’est une libération nécessaire. C’est ton corps qui dit enfin ce que tu n’as pas pu poser en mots. C’est ton être qui réclame un espace.
Ce phénomène est fréquent chez les personnes dites hypersensibles, mais aussi chez celles qui ont appris à ne pas déranger. Celles qui ont grandi dans un environnement où pleurer, crier, s’effondrer, exprimer… n’étaient pas des options possibles.
Alors on devient expert(e) dans l’art de se contenir. De faire bonne figure. D’encaisser. Jusqu’à ce que ce soit le corps qui parle. Larmes. Fatigue chronique. Irritabilité. Crises d'angoisse. Anxiété. Ce ne sont pas des failles. Ce sont des appels à la régulation.
Ce que tu vis, ce ne sont pas des débordements. Ce sont des vagues longtemps retenues… qui demandent juste à être vues, entendues, honorées. Et tu peux leur faire de la place. En commençant par changer ton regard sur elles.
Les masques de survie
Quand on vit dans un monde qui ne comprend pas ou pire, qui rejette notre manière de ressentir, on apprend vite à se protéger. Et cette protection prend souvent la forme de masques. Non pas pour tricher ou manipuler, mais pour survivre émotionnellement dans un environnement qui nous blesse, ou qui ne nous voit pas.
Ces masques deviennent des réflexes. Des mécanismes de défense. Des réponses adaptatives à un monde perçu comme trop rapide, trop exigeant, trop dur.
Voici quelques-uns de ces masques les plus fréquents :
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Le perfectionnisme : si je fais tout parfaitement, peut-être qu’on m’aimera, peut-être qu’on ne me critiquera pas.
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Le contrôle : si je tiens tout, si je prévois tout, je ne serai pas surpris(e)… ni blessé(e).
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Le détachement : si je ne ressens rien, je ne souffre pas.
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L’humour : si je fais rire, je détourne l’attention de ma vulnérabilité.
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Le retrait : si je me fais tout(e) petit(e), on ne me fera pas de mal.
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La sur-adaptation : si je me moule aux attentes des autres, je resterai en sécurité.
Ces masques sont apparus très tôt. Souvent dans l’enfance, quand il n’y avait personne pour accueillir ce que tu ressentais vraiment. Alors tu as appris à "t’éloigner de toi", un peu plus chaque fois.
Et ça a marché…
Jusqu’à ce que ces masques deviennent trop serrés.
Jusqu’à ce que tu ne respires plus vraiment à l’intérieur.
Ces masques ne sont pas le signe d’une personnalité instable. Ce sont des tentatives intelligentes de préservation, devenues parfois obsolètes. Tu n’as pas à les rejeter violemment. Tu peux juste commencer à les observer avec tendresse, à les remercier pour ce qu’ils ont permis, et à les déposer, un à un, quand tu te sentiras en sécurité.
La vraie stabilité ne vient pas du contrôle. Elle vient du contact avec ce qui est vrai. Même si ce vrai est bouleversant, mouvant, intense. Parce qu’il est toi.
Visualiser l’émotion comme une vague
Parfois, ce que l’on vit à l’intérieur ressemble à une tempête. Tout monte d’un coup : la boule dans la gorge, les larmes prêtes à jaillir, les pensées qui s’emballent, le souffle qui se coupe. Et dans cette intensité, il est facile de croire qu’on perd pied. Qu’on va s’y noyer. Qu’on ne va pas s’en sortir.
Mais si tu regardes l’émotion comme un phénomène temporaire, mouvant, naturel, alors tu peux commencer à la visualiser autrement.
Une émotion, c’est une vague.
Elle monte.
Elle atteint un sommet.
Puis elle redescend.
Toujours.
Aucune émotion ne dure éternellement. Même si certaines peuvent revenir souvent, ou se superposer. Même si parfois, on les fige involontairement par la peur de les vivre.
Ce qui transforme une émotion en tsunami intérieur, ce n’est pas l’émotion en elle-même. C’est :
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le refus de la ressentir ("Je n’ai pas le droit de pleurer…"),
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la peur qu’elle ne s’arrête jamais ("Si je commence, je vais finir par exploser…"),
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le jugement qu’on porte sur elle ("Je suis ridicule d’être aussi affecté(e)…").
Et c’est cela qui fait mal.
Pas l’émotion.
Mais le conflit qu’on entretient avec elle.
Imagine-toi au bord de l’eau.
La vague arrive. Tu la vois venir.
Tu ne t’y opposes pas frontalement. Tu ne la fuis pas non plus.
Tu l’accompagnes.
Tu fléchis les genoux. Tu respires. Tu restes ancrée.
Et elle passe.
Tu n’es pas la vague. Tu es l’océan qui la contient. Tu es plus vaste que ce qui te traverse. Plus stable que ce qui s’agite en toi. Et plus tu laisses à l’émotion l’espace d’exister, sans panique, sans honte, plus elle retrouve son rythme naturel. Plus tu apprends à surfer, même sur les vagues imprévues.
Réguler, ce n’est pas contrôler
Le mot "gérer" revient souvent quand on parle d’émotions : "Il faut apprendre à gérer ses émotions". Mais ce mot peut être trompeur. Il suggère que l’émotion serait une sorte de machine mal réglée qu’il faudrait contrôler, diriger, maîtriser. Or, l’émotion n’est pas un problème de gestion. Elle est un phénomène vivant, dynamique, spontané.
Et vouloir tout contrôler, tout le temps, ça revient à retenir son souffle dès qu’une vague arrive. À résister à la pluie. À crisper tout le corps pour éviter le tremblement.
Ce que ton système émotionnel demande, ce n’est pas d’être étouffé. C’est d’être accompagné.
Réguler, ce n’est pas supprimer. Ce n’est pas devenir lisse, calme et "positif(ve)" à tout prix. Ce n’est pas étouffer sa colère, retenir ses larmes ou faire semblant d’aller bien.
Réguler, c’est :
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Être capable de reconnaître ce que tu ressens, sans t’y noyer.
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Trouver des ressources concrètes (respiration, mouvement, ancrage, mots justes) pour rester en lien avec toi-même quand ça bouge à l’intérieur.
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Pouvoir exprimer ce que tu ressens sans blesser ni te renier.
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Être suffisamment stable pour accueillir l’émotion et la laisser repartir naturellement.
C’est une posture intérieure. Un savoir-être. Et ça s’apprend.
Réguler ses émotions, c’est comme apprendre à marcher dans le sable. Au début, c’est instable. Puis tu trouves ton équilibre. Tu ne bloques pas la mer. Tu marches avec elle.
La vraie régulation commence le jour où tu cesses de vouloir "te calmer vite". Et que tu choisis plutôt de te rencontrer profondément.
L’émotion : une boussole
Et si tu changeais de regard sur tes émotions ? Et si, au lieu de les voir comme des obstacles, tu pouvais les voir comme des boussoles ? Des guides intérieurs, subtils et puissants, qui t’indiquent, parfois maladroitement, ce qui compte pour toi.
Une émotion n’arrive jamais par hasard. Elle n’est ni absurde, ni disproportionnée. Elle est liée à un besoin, une valeur, un désir, une blessure, ou un élan vital.
Prenons quelques exemples concrets :
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La colère peut te dire : Une de mes limites a été franchie. Quelque chose en moi réclame du respect ou de la justice.
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La tristesse peut te souffler : Je viens de perdre quelque chose ou quelqu’un d’important pour moi. J’ai besoin de reconnaissance, de douceur, de lenteur.
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La peur t’indique : Je me sens en insécurité. J’ai besoin d’être rassurée, guidée, protégée.
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La joie t’illumine : Là, quelque chose est pleinement nourrissant pour moi. Continue, c’est bon pour toi.
Chaque émotion t’ouvre une porte vers un besoin plus profond. Et si tu apprends à l’écouter, au lieu de la fuir, elle devient un repère. Pas une alarme incontrôlable, mais un message clair, précieux, ajusté.
Ressentir, c’est être en lien.
Une émotion n’est pas là pour t’engloutir.
Elle est là pour te ramener à toi.
Quand on commence à faire confiance à son ressenti, on commence aussi à se faire confiance. On arrête de chercher des validations extérieures pour savoir ce qui est juste. On développe une intelligence émotionnelle intuitive : celle qui nous connecte à notre direction intérieure.
Et c’est là que le vivant reprend sa place.
Ce que la Gestalt-thérapie m’a appris
En Gestalt-thérapie, on ne cherche pas à "corriger" une émotion. On ne tente pas de la rendre plus supportable, plus polie, plus acceptable. On ne l’enferme pas dans une case ou un diagnostic. On fait quelque chose de bien plus profond : on entre en contact avec elle.
C’est une approche vivante, expérientielle, enracinée dans le corps et dans l’instant. Ici, pas de jugement. Pas de posture d’expert qui analyse "de l’extérieur". Mais une invitation à vivre ce qui se présente, tel que c’est. Sans filtre. Sans fuite. Avec douceur.
En séance, cela peut commencer par une simple question :
“Qu’est-ce que tu ressens, là, maintenant ?”
“Et où est-ce que tu le sens dans ton corps ?”
“Si cette sensation avait une forme, une couleur, un mouvement… ce serait quoi ?”
Peu à peu, l’émotion cesse d’être un monstre menaçant.
Elle devient un territoire à explorer.
Et parfois, on découvre que derrière cette colère qui surgit, il y a une tristesse ancienne. Que derrière cette peur, il y a une mémoire figée. Que derrière cette joie étouffée, il y a une envie jamais osée.
La Gestalt ne cherche pas à "comprendre" les émotions avec la tête, mais à les ressentir pleinement, dans un cadre contenant, sécurisant, incarné.
C’est aussi une thérapie du "je suis ici, maintenant, avec ce qui est". Et c’est souvent cette présence-là qui nous a manqué, enfant : quelqu’un qui reste avec nous dans l’émotion, sans fuir, sans nier, sans corriger.
Dans un monde qui nous pousse à intellectualiser tout, la Gestalt nous ramène au corps. À la respiration. Au mouvement subtil d’un ressenti qui change… dès qu’on lui fait de la place.
Ce n’est pas la stabilité qui guérit. C’est le contact réel avec ce qui vit.
La régulation passe par le lien
On parle souvent de "régulation émotionnelle" comme d’un travail à faire sur soi. Un effort personnel. Un chemin individuel de retour au calme. Mais cette vision est incomplète. Parce qu’elle oublie une chose fondamentale : nous sommes des êtres relationnels.
Le système nerveux, pour se réguler, a besoin de signaux de sécurité. Et ces signaux, le plus souvent, viennent de l’autre. D’un regard. D’une voix douce. D’un geste tendre. D’une présence stable.
C’est ce qu’on appelle en psychologie la co-régulation.
Dès la naissance, c’est ainsi que nous apprenons à nous apaiser. Un nourrisson ne sait pas se calmer seul. Il a besoin d’un visage bienveillant, de bras chauds, d’un cœur battant contre le sien. Et cette capacité à se réguler dans le lien reste valable toute la vie.
Mais ce qui se passe souvent, c’est qu’on a intégré l’idée que demander du soutien, c’était être faible. Qu’on devait être autonome, fort(e), indépendant(e). Alors on s’enferme. On essaie de "se calmer tout(e) seul(e)", en silence. Mais à l’intérieur, ça crie encore.
La régulation émotionnelle n’est pas un combat solitaire. C’est un processus relationnel, profondément humain.
Et ce n’est pas parce que tu as besoin d’être écouté(e), pris(e) dans les bras, accompagné(e), que tu es instable. C’est parce que tu es vivant(e). Et que ton système nerveux, comme celui de tout être humain, a besoin d’être soutenu pour s’apaiser.
Tu n’as pas à porter ça seul(e). Tu as le droit d’être rejoint(e) dans ce que tu ressens, sans devoir te justifier. Et parfois, le simple fait d’être vu(e), entendu(e), cru(e)… suffit à faire retomber la vague.
Le lien, c’est ce qui transforme une émotion en passage, et non en prison.
Une autre manière d’habiter son intériorité
Pendant longtemps, tu as peut-être cru qu’il fallait t’adapter. Faire taire le trop. Minimiser le profond. Cacher les tempêtes sous des couches de maîtrise. Et derrière les murs que tu as dressés, tu as peut-être fini par te perdre de vue.
Mais il existe une autre voie.
Plus lente.
Plus douce.
Plus juste.
Celle qui consiste à revenir à toi. À habiter ton intériorité, non comme un champ de bataille, mais comme un espace sacré.
Ton monde intérieur n’est pas un danger. Ce n’est pas un chaos à contrôler. C’est un territoire vivant, sensible, rempli de textures, de couleurs, de mouvements. Et tu peux apprendre à y entrer autrement.
Habiter ton intériorité, c’est apprendre à :
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Te rencontrer avec curiosité, plutôt qu’avec jugement.
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Explorer tes ressentis, même les plus flous, avec patience.
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Laisser de la place à ce qui t’émeut, t’ébranle, t’éveille.
-
Apprendre à faire alliance avec ton corps, ton souffle, ton rythme.
Cela ne veut pas dire tout comprendre, ni tout résoudre. Mais simplement être avec. Avec ce nœud dans le ventre. Avec ce frisson qui traverse la poitrine. Avec cette boule d’émotion sans nom. Sans chercher à la faire taire. Juste en lui disant : Je suis là. Tu peux exister.
Et plus tu t’habitues à cette présence douce à toi-même, plus les émotions cessent de t’effrayer. Elles deviennent des passages, des messagères, des alliées.
Tu n’as pas besoin d’être parfait(e) pour être paisible. Tu as seulement besoin d’apprendre à être chez toi en toi-même. Et c’est un chemin. Pas à pas. Vague après vague. Souffle après souffle.
Pour conclure : tu n’as rien à réparer
Tu es arrivé(e) jusqu’ici. Tu as traversé les mots comme on traverse une mer intérieure. Peut-être avec des nœuds au ventre, des larmes au bord des cils, ou juste une curiosité étonnée au creux de toi. Quoi qu’il en soit, tu as été présent(e). Et ça, c’est déjà un acte de courage.
Alors laisse-moi te redire ceci, une dernière fois, comme un ancrage : Tu n’es pas instable. Tu es vivant(e).
Tu ressens, tu vibres, tu t’agites, tu frémis, tu pleures, tu ris trop fort. Et c’est beau. Ce n’est pas un défaut à corriger. Ce n’est pas un "problème de régulation". C’est un langage à réapprendre.
Le monde t’a peut-être fait croire que ton intensité était trop lourde, trop bruyante, trop présente. Mais l’intensité n’est pas le contraire de la sagesse. C’est une voie vers elle, quand elle est écoutée avec amour.
Tu n’as rien à réparer. Pas besoin de t’ajuster à une norme qui ne te reconnaît pas. Pas besoin de te plier à un rythme qui t’épuise. Pas besoin de t’anesthésier pour rester acceptable.
Ce que tu ressens a le droit d’exister. Et tu peux apprendre à traduire ce langage émotionnel, petit à petit. À réguler sans te renier. À exprimer sans t’excuser. À t’ouvrir sans te perdre.
Ici, sur Parlons émotions, tu es le(la) bienvenu(e) comme que tu es.
Et si tu veux aller plus loin…
Sache qu’il existe des chemins d’accompagnement, des espaces de réassurance, des manières de remettre du souffle là où tu es tendu(e).
Tu n’as rien à prouver.
Rien à justifier.
Rien à cacher.
Seulement un lien à retisser. Avec toi.
Et c’est un lien précieux.
Tu n’as pas besoin d’éteindre ce que tu ressens pour être aimé(e).
Tu as juste besoin de te rappeler que ce que tu ressens est la preuve que tu es en vie.

Christelle Duval
Praticienne en Gestalt-thérapie et Coach en intelligence émotionnelle

Ce que nos émotions veulent vraiment nous dire